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les yeux blancs

 

 

On savait bien qu'avec la crue, les eaux iraient aux villages qu'avant on disait en voies de développement. Inondant les gens, la mer serait vite noyée.

Jamais on ne saurait pourquoi, par quelle violence, ni pourquoi dans l'eau ils flottaient sans nager, par quelles patiences, impensables, vêtus d'anoraks. Enlacés ou séparés, formant des grappes. Ni pourquoi ils riaient ouvertement, silencieusement, et leurs yeux étaient blancs comme ceux des poissons bouillis.

 

Mais ils ne riaient pas, ils ouvraient grand leurs bouches et leurs yeux sont blancs.

Ils ouvraient leurs bouches et ils montrent les dents.

 

Je vois qu’ils m’invitaient, mais sans me voir. Leurs yeux disaient viens

mais semblant ne pas voir

que je les vois encore.

 

Inquiet, faisant mine de pas bouger, je sentais mes pieds glisser sur les sédiments. Sans avoir pu décider, je suis plongé dans une eau plus épaisse que la mer, d’un bleu plus noir.

 

Tout vêtu d’anorak, je flottais sans me débattre. Les remous me berçant mais c'est violent. Frôlé par des anoraks comme le mien, je touchais parfois les gens, je prenais appui sur des baigneurs indifférents. Les vagues nous élevant ensemble mais quand elles retombaient, sombrant plus noir.

Les baigneurs coulant, les passeurs paressent

et moi je flottais.
 

Têtes renversées, bouches ouvertes dans un rire muet,

les parents disparaissant,

leurs enfants de face.

Ceux qui vivent encore 

faisaient un geste de natation, 

ou de la main

un signe réflexe.

Ils sombrent et moi je flottais

parmi ceux-là, qui périssent un à un

dans le grand bain, 

pour que moi,

je n’y meure pas. 

 

.

 

L’eau que la nuit éponge,

demain en garde un litre.

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